
La valorisation du patrimoine comme vecteur d’attractivité du territoire
Développer l’attractivité d’un quartier ou d’une ville grâce à un plan lumière valorisant un patrimoine architectural ou historique. Concilier regard artistique et expertises technologiques. Voilà certaines des missions d’un concepteur lumière pour répondre aux enjeux d’une ville qui souhaite accueillir les touristes et contenter les habitants. Échange avec Sylvain BIGOT, fondateur de l’agence LYUM, agence de conception lumière.
Vous intervenez à la demande des collectivités pour “mettre en lumière” la ville ou son patrimoine. Quels sont les objectifs des élus ?
L’objectif de ces projets c’est de développer l’attractivité des villes. Il s’agit de faire de la ville une destination et pas uniquement une étape entre deux sites. De nombreuses villes ont un patrimoine urbain exceptionnel, avec des édifices religieux et une architecture civile. L’objectif est de capter les flux touristiques et de leur donner envie de passer une soirée et une nuit ou plus en leur proposant un parcours découverte du patrimoine. Ce flux touristique peut être actif toute l’année.
Comment réagissent les riverains dans ce type de projets ?
Les riverains et les habitants vivent leur patrimoine comme une fierté. Ces projets sont accueillis avec enthousiasme et bienveillance. Evidemment les habitants et les associations sont vigilants sur les impacts en termes de confort de vie, comme l’impact des éclairages en soirée, ou le niveau sonore. A nous d’écouter et de faire preuve de pédagogie, la maîtrise d’ouvrage doit quant à elle embarquer les riverains dans une concertation.
Votre mission est donc d’étendre le “temps d’activités” de la ville ?
Oui, ces projets contribuent à étendre le temps d’activité de la ville à la nuit... L’éclairage nocturne ce n’est plus seulement éclairer pour travailler, sécuriser ou apporter du confort. La nuit est une opportunité pour mettre en valeur et renforcer l’attractivité. C’est un terrain d’expérience. Comme dans la pyramide de Maslow, nous sommes passés du besoin de sécurité à l’attente de divertissement et d’épanouissement.
Quelles difficultés rencontrez-vous sur ce type de projet ?
Ces projets de valorisation du patrimoine nous font intervenir sur des sites protégés et des bâtiments classés. Il faut souvent de multiples autorisations d’installation sur des biens privés. Avec moins de 4% de refus, cela démontre l’adhésion des habitants et des commerçants. Dans ce contexte la technologie doit “disparaître”, s’effacer... Hors de questions d’ajouter des câbles. Avec la CityBox® de Bouygues Energies & Services le réseau d’éclairage public existant devient un réseau CPL. Nous pouvons donc utiliser le câblage existant pour piloter la mise en lumière, le balisage, la sonorisation.
Le tout avec le même câble d’éclairage public. C’est la smart city avant l’heure. Avec un seul câble on pilote toute la télégestion et on gère du multiservices à partir d’un seul point. Nos projets nécessitent une infrastructure permettant de déployer une gestion dynamique, on pilote l’éclairage, le balisage et les projecteurs de couleurs. Pour la sonorisation, des enceintes sont disposées le long du parcours... c’est la 4ème dimension de l’expérience du visiteur. Avec la lumière on joue sur 3 dimensions, lorsqu’on ajoute le son la 4ème dimension intervient celle du temps... L’impact pour les riverains doit être étudié; Il faut un matériel très spécifique, étanche évidemment, avec un son très précis avec une excellente définition pour un niveau sonore assez faible.
Vos projets ne sont plus seulement des projets de mise en lumière mais de mise en scène ?
C’est de la scénographie urbaine effectivement. Le soir sur les façades, sur les monuments, nous projetons des images, de la vidéo, des effets lumineux. La ville devient un théâtre. Le parcours lumière est une scénographie pensée pour guider et accompagner les visiteurs dans la découverte de la ville. Avec un seul câble on pilote toute la télégestion et on gère du multiservices à partir d’un seul point.
Qui faut-il embarquer dans un tel projet ?
Le tour de table est très large, tous les services de la ville sont concernés : les services des bâtiments et de l’architecture, l’éclairage public, le service parc et jardin, la ferronnerie, le stationnement, et la police municipale... Il faut interagir avec tout le monde, même avec les diocèses quand il s’agit d’édifices religieux par exemple... On crée une démarche “smart” où tout se croise, tout dialogue, donc tous les acteurs doivent apprendre à dialoguer, le tout animé par la maîtrise d’œuvre.
Quelles sont les 3 facteurs clés de succès ?
Il faut un exécutif fort avec une vraie ambition. Un exécutif qui ne lâche rien, porté par les élus. Il faut une maîtrise d’œuvre capable d’animer un collectif, qui veille, explique, accompagne, coordonne. Elle doit avoir l’expérience de ce type de projet. Enfin il faut une entreprise d’installation très impliquée... Ces sujets sont technologiquement complexes, il faut des équipes locales formées avec des chefs d’agences passionnés.
Êtes-vous mobilisé sur des projets de rénovation de quartier récents, sans patrimoine historique pour améliorer le cadre de vie des habitants ?
Oui, également. Avec la lumière on peut animer, créer à partir de rien, transformer des surfaces sans attrait... Les solutions sont multiples même pour des bâtiments a priori difficiles... faire du balisage, faire du beau et des effets, la lumière est une matière qui donne de la magie aux lieux, de la poésie au cadre urbain. Dans ce domaine la France est en pointe, le métier a été crée en France, il y bientôt 40 ans par Pierre Bideau, le créateur de ce métier, l’inspirateur de nous tous. Avec lui la lumière est venue comme de l’intérieur des bâtiments. Grâce à lui, bien des villes françaises exigent désormais des concepteurs lumières dans leur projet, une spécificité française qui explique notre supériorité en terme de valorisation du patrimoine, car en parallèle la technologie ne cesse de progresser et d’ouvrir le champs des possibles.