QUAND LE BÂTIMENT VOUS AIDE A MIEUX TRAVAILLER
Le BIM, Building Information Modeling, est une maquette numérique. Ses fonctions de réalité virtuelle donnent immédiatement au client une vision de l’ouvrage terminé. Mais le BIM, c’est bien plus que cela ! Magdalena Pyszkowska, pour Bouygues Construction, et Hervé Aubert, pour Bouygues Energies & Services, nous exposent leur vision, celle du constructeur et celle de l’exploitant.
En quoi le BIM transforme-t-il la relation entre les parties prenantes d’un projet ?
Magdalena Pyszkowska : Avec le BIM, une information numérique unifiée peut être partagée par l’ensemble des parties prenantes d’un projet, donc avec les clients et les donneurs d’ordre. Le BIM permet au client d’être informé en temps réel du processus de conception, de réalisation et d’exploitation. Il fédère les acteurs autour de données vérifiables et compréhensibles par toutes les parties. Le BIM c’est donc la transparence vis-à-vis des clients et de toutes les parties prenantes, avec la traçabilité et la structuration des données permettant de garantir la performance de l’ouvrage. Transparence avec les clients, traçabilité sur la tenue de nos engagements.
Comment cette innovation va-t-elle être acceptée ? Pour certains, n’est-ce pas de nouvelles contraintes ?
Hervé Aubert : Le BIM apparaît au premier abord comme une contrainte de travail car ce processus change nos méthodes traditionnelles de travail (modélisation vs dessin, échanges de données, diffusion, etc.). Mais, très rapidement, il permet à chaque partie prenante, à chaque métier, d’optimiser son activité. Chacun connaît ses besoins, ses objectifs, que ce soit le concepteur, le constructeur, le mainteneur ou le client. La problématique est bien d’interfacer le BIM avec tous ces besoins pour optimiser le projet globalement. Par exemple l’outil du mainteneur est la GMAO, qui doit être initialisée au début de la phase d’exploitation. Cette phase d’initialisation peut être optimisée si les paramètres proviennent du BIM et de la modélisation du projet. Le BIM est donc essentiel pour améliorer la qualité et réduire les coûts : on gagne du temps ; grâce à la modélisation, le projet est plus cohérent plus tôt, on achète mieux, on gagne en délai et on garantit mieux le livrable.
Magdalena Pyszkowska : Le BIM c’est un fil rouge qui relie tous les acteurs. Il permet la collaboration autour d’objectifs clients communs. 75 % du coût d’un ouvrage à horizon 20/25 ans, réside dans la maintenance et les coûts de fonctionnement. C’est pourquoi intégrer les exigences du mainteneur dans la phase de conception du projet est vital. Cette transformation nécessite une méthodologie de travail commune autour d’enjeux clients communs. Des économies considérables sont à venir dans les projets associant conception et/ou réalisation et/ou conception-réalisation et exploitation ou maintenance. Ce qui change, c’est l’intégration des exigences du mainteneur dès la conception ; par exemple pour maîtriser les engagements contractuels, la consommation énergétique, la disponibilité et la durabilité des équipements techniques.
Hervé Aubert : Effectivement, pour collaborer il faut s’intéresser aux données qui impactent le métier des autres parties prenantes. Le BIM apporte une vision globale et permet de passer le relais tout en conservant le fil rouge évoquée par Magda.
Comment le BIM intervient au quotidien dans la phase d’exploitation ?
Hervé Aubert : Le BIM en phase d’exploitation ce n’est pas seulement la 3D, avec une tablette en mobilité pour “voir” la vanne qui est cachée dans le plafond. Evidemment, si on sait à tout moment où intervenir, le bénéfice client est immédiat : réduction du temps d’indisponibilité, temps d’intervention optimisé, gain de temps de rétablissement, réduction de coûts. Il s’agit désormais d’utiliser les données provenant des outils métiers (GMAO, GTB, vidéosurveillance, contrôle d’accès, etc.) et, de plus en plus, l’IoT. Ces informations sont collectées et valorisées une fois traitées dans un contexte particulier (spatial ou autre). Cela permet, dans le cadre d’une démarche prédictive, de pouvoir anticiper la future panne en analysant les données et d’intervenir en amont des défaillances. Anticiper implique de comprendre tous les facteurs d’influences, donc de collecter toutes les données d’environnement et de casser les silos entre la GTB d’un côté, la GMAO de l’autre, la vidéosurveillance et tout un ensemble de système. Chacun de ces systèmes a recréé une modélisation de son environnement. Avec le BIM c’est tout le contexte global qui est recomposé, pour mieux agir.
Est-ce que le BIM a un impact sur le client et sur son métier ?
Hervé Aubert : Oui, très directement. Prenons un exemple. L’Humber Hospital au Canada : pour intervenir au plus vite en cas d’arrêt cardiaque d’un patient, le client a mis à plat son processus métier, identifié toutes les informations nécessaires pour élaborer des scénarios d’actions. Soyons concrets : un patient a un arrêt cardiaque, automatiquement le lit se met en position adéquate, son dossier médical remonte directement sur l’écran associé au patient, avec les dix paramètres vitaux qui sont suivis, le médecin présent dans l’hôpital est géolocalisé, il est prévenu, l’ascenseur se positionne immédiatement à l’étage où il se trouve, avec son badge il est le seul à pouvoir le déverrouiller pour rejoindre directement l’étage du patient. Dans ce cas les données du BIM sont structurées pour alimenter et dialoguer avec les processus métier du client.
Est-ce que désormais tous les projets d’envergure nécessitent de mobiliser le BIM ?
Magdalena Pyszkowska : Il n’y a plus de nouveau projet d’envergure aujourd’hui sans mobilisation du BIM. Les premiers retours sont très positifs sur la conduite de projet avec BIM, avec des économies de coût / délai / ressources importantes. Mais Il est important de préciser en conclusion que ces économies sont possibles si on adopte bien une approche globale en intégrant la vision de chaque intervenant avec leurs interactions.
Hervé Aubert : Le BIM impliquera progressivement toutes nos équipes, et pas seulement sur les nouveaux projets. Quand nous prenons en exploitation un immeuble neuf avec du BIM nous pouvons en maîtriser tous les aspects rapidement à condition, bien sûr, que les données nécessaires au mainteneur y soient intégrées. Grâce au BIM nous gagnons un temps précieux et nous acquérons une connaissance fine du patrimoine à maintenir, sans équivalent jusqu'à maintenant.
Le BIM c’est un fil rouge qui relie tous les acteurs. Il permet la collaboration autour d’objectifs clients communs.
Transparence et performance opérationnelle dans un projet industriel
Point de vue de Simon Giraud - BIM manager, sur la construction depuis le site Sanofi existant de Val-de-Reuil (76) d’un bâtiment industriel de 16 000 m2 dédié à la fabrication de vaccins contre la grippe. Dès l’appel d’offres la maquette numérique intervient à la fois pour illustrer la proposition et pour démontrer une méthodologie de travail qui garantit transparence et performance opérationnelles. La mission du BIM manager est de définir les plates-formes de collaboration, les règles de nommage, tout ce qui permet aux parties prenantes d’être interfacées et de suivre les mêmes lignes directrices, ainsi que de définir avec chacun ses cas d’usages et les fonctionnalités souhaitées.
En réponse à la demande de Sanofi Pasteur, la maquette numérique a été le socle à partir duquel tous les plans de production ont été édités pour garantir une parfaite concordance avec le modèle numérique. Pour renforcer la cohésion d’ensemble, le client a souhaité intégrer ses équipements de production dans la maquette numérique. Nous avons pu optimiser l’implantation de nos réseaux de fluides en fonction de l’implantation précise de ces équipements, puis mesurer l’impact de toutes les évolutions des demandes. Les conflits potentiels sont anticipés, un point clé quand il s’agit d’intervenir dans un environnement disposant d’une forte densité de réseaux. L’accès au modèle 3D en mobilité, sur tablettes, permet de suivre l’avancement du projet, d’identifier les réserves et de notifier les levées de réserve sur les plans dans un processus d’approbation et d’intervention sans couture avec le client. Dernier bénéfice de la mobilité pour nos équipes : présenter à ses sous-traitants où et comment réaliser leurs interventions.
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